Ajouté le 20 nov. 2018
Lundi 17 octobre 2016, mauvais plan
Bouche pâteuse, odeur de tabac froid, silence lourd, pas un bruit à part peut-être le son de quelques gouttes d’une pluie fine et régulière. Temps maussade…
Couché sur le sol, je lance une main et je tapote à la recherche de ma bouteille, je la trouve couchée, exsangue, vidée de tout contenu, c’est une vraie tragédie, tout près, le cendrier rempli de mégots puants donne envie de vomir.
J’ai besoin de quelques gouttes, juste quelques gouttes, sinon une seule et toutira bien !
Le fait de bouger a relancé de fortes névralgies et la tête me tourne.
Comme je t’aime.
Et toi, aime moi, mais sans doute est-ce me faire trop d’illusions
Je sors, à peine habillé de vêtements plus que douteux, petit jour, je croirais être dans un film, brouillard tournoyant, cent pour cent d’humidité accompagnée de cette petite pluie glacée.
Je suis agité d’un frisson, terrible gueule de bois mais que faire. Mon âme est triste, faut-il envisager le pire ? Je me force à respirer profondément, au bout d’un moment le ciel semble s’éclaircir, le jour se lève doucement et les bananiers au fond du jardin sortent de la brume, ou-suis-je donc, je réfléchis pendant que des trouées d’un bleu discret apparaissent d’entre les nues. Les entrailles déchirées je pose un regard curieux sur ce paysage qui s’étend comme par magie, la verdure pointe ses couleurs confusément et une certaine beauté se met en place. Elle sort avec une douceur prenante et je n’ai qu’une envie c’est, de me laisser emporter, de sentir mon corps se mettre à flotter pour finir par s’envoler. Bizarrement, de petites perles de sueur coulent de mon front, elles me font ressentir comme une tiédeur tropicale de nuit tombante. Ma compréhension semble limitée, je suis perdu, je passe d’une agitation compulsive à un univers empli de tendresse, d’amour et de joie cadencé par la lente poussée de la végétation. Comment connaître la fin, vais-je rester sur une impression d’inachevé ? Je suis maintenant tout embué de diverses perspectives de positionnement et cela me pose problème. Je vais devoir dessiner un plan, plusieurs peut-être. Mon estomac gargouille et m’envoie quelques remontées d’alcool et de tabac que je préfèrerais éviter et surtout oublier.
Réfléchissons : Il fait maintenant grand jour, je devrais prendre des notes, trouver une feuille de papier, tenir un crayon, la vapeur d’eau s’est envolée, seulement quelques points brillants sur les feuilles verdoyantes témoignent encore de l’humidité. Je dois comprendre, je m’assois en tailleur, position qui entraine la méditation, une lueur se manifeste, l’espoir pourtant fugitif sort du crépuscule. Je pense à l’eau, à la rivière qui borde la maison, bruits d’eau, couleuvres, grenouilles, crapauds, sangsues, canards, ragondins, poissons de toutes sortes, chauves-souris rapides comme l’éclair qui font du rase motte pour gober les insectes en volant près de la surface envahie par les herbes. Vase odorante, comme parfumée de regrets, les oiseaux virevoltent en poussant leurs cris aussi bien de désir que d’attaque, limaces, sauterelles, grillons, punaises, fourmis, moustiques, laissez-moi tous tranquille. La désagréable émanation qui se dégage de mon corps devient gênante, et me met dans l’embarras, je veux m’enfuir mais c’est impossible, je suis terrassé par la peur, je crains de m’effondrer. Je n’irai pas très loin, je glisse vers le bial, mes mains sont sales et pourtant je me masque les yeux, des larmes coulent, j’ai mal dans mon corps, dans mon corps entier. Je fais deux pas, j’hésite mais je m’écroule dans un plouf discret, ça tourne et ça tourne toujours davantage, je sens mes atomes se fondre dans un fluide thermodynamique d’un système simple de molécules diatomiques. Je me noie.
©spasp BrickAndBial
Lodève le 17 octobre 2016. Revu le 5 avril 2018
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